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30 octobre 2017 | י חשון התשעח
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Rencontre avec Kobi Oren, le Forrest Gump israélien

Kobi Oren, l'homme de fer d'Israël. Crédit photo: Youtube

Kobi Oren, l’homme de fer d’Israël. Crédit photo: Youtube

Toute la jeunesse des années 80 se souvient de la série « l’homme qui valait trois milliards » et de son héros Steve Austin capable de courir à la vitesse de l’éclair sur plusieurs kilomètres. Une passion de la course incarnée aussi par Tom Hanks dans « Forrest Gump », cet anti-héros simplet amoureux des défis solitaires sur les routes des États-Unis.

Kobi Oren, 43 ans, originaire de Kiriat Tivon, père de quatre enfants et marié à une femme ayant accepté d’épouser « sa folie » est un mélange des deux personnages tirés de la fiction américaine. La seule différence notable est que l’ultra-fondeur israélien est un homme bien réel capable de courir plus de 1000 km à travers les chemins escarpés de France, de Grèce ou d’Afrique du Sud. Interview. 

Israpresse: Tout d’abord qu’est-ce que l’ultra-marathon? Une discipline que l’on appelle aussi en français l’ultra-fond.

Kobi Oren: L’ultra-marathon est une épreuve physique et sportive de course à pied. Nous parcourons une distance supérieure au marathon traditionnel qui est de 42,195 km. Je pourrais comparer cette discipline au rallye-raid en voiture ou à moto. Il s’agit d’une course par étapes qui se dispute sur plusieurs jours. La distance importe peu tout comme le rythme de notre course.

Israpresse: Pourquoi avoir choisi de pratiquer ce sport qui exige des capacités physiques hors-normes? 

Kobi Oren: J’ai commencé par effectuer des courses sur des distances plus courtes. Je me suis ensuite blessé lors d’une épreuve disputée sur les routes du pays. Après une longue pause, je suis revenu m’entraîner notamment dans les champs et même en montagne. J’ai éprouvé d’excellentes sensations. J’ai ensuite continué à courir sur des sentiers plus escarpés plusieurs jours durant. C’est comme ça que je suis arrivé à la conclusion que je préférais parcourir de plus grandes distances que le marathon classique.

Israpresse: Cette passion pour la course à pied et des grandes distances ne s’est pas déclarée au cours de votre passage à l’armée? 

Kobi Oren: C’est vrai qu’à l’armée nous avions l’habitude d’effectuer de longues marches. J’ai d’ailleurs intégré une unité d’élite de Tsahal. Mais je cours depuis de nombreuses années. Cela fait certes sept ans que je me suis mis à courir l’ultra-marathon mais j’ai commencé la course à pied en classe de première au lycée. J’obtenais d’excellents résultats sur 2000 et 5000 mètres lorsque j’étais au lycée.

Israpresse: J’aimerais savoir ce que vous avez ressenti lors de votre première course d’ultra-fond? 

Kobi Oren: Ma première course remonte à sept ans. C’était un ultra-marathon de 80 km en Israël. J’ai apprécié le lien que j’avais avec la nature. J’ai ressenti de très bonnes sensations. Je précise aussi que je me suis construit de manière très lente. Je cours depuis maintenant 28 ans. J’ai augmenté petit à petit le nombre de kilomètres en accord avec mes capacités physiques. Je parcours aujourd’hui de longues distances mais je dois dire que mon programme de formation s’étend sur plusieurs années. C’est une sorte de programme de vie.

Israpresse: Comment décidez-vous de vous lancer dans une course de 1000 km? Vous devez parfois affronter la rigueur du climat, la chaleur, le froid, les routes parfois accidentées, la population locale. Comment cela se passe? 

Kobi Oren: Cela ne passe pas tout à fait de cette façon. Je dévoile quelque peu mon secret mais je ne me dis jamais que je vais courir 1000 km. Aucun homme normalement constitué ne pourrait affronter une telle distance et se dire « il me reste encore 995 km à parcourir. » Je fonctionne par étapes. Je me dis: « vas-y court une heure » et une autre heure et ainsi de suite. Au décompte final, j’ai couru 240 heures de cette façon. Vous devez fractionner l’effort dans votre cerveau pour pouvoir affronter la distance.

Israpresse: Pouvons-nous comparer votre discipline à une expérience spirituelle? 

Kobi Oren: C’est aussi très vrai. Il existe une dimension mystique. Il y a de nombreux points communs avec les efforts effectués pour Dieu. Lorsque vous courez sur des distances aussi grandes, vous ne faites pas fonctionner seulement votre corps, vous puisez aussi dans vos forces spirituelles. Lors d’une course, vous devez surmonter tout vos problèmes personnels et vos états d’âmes quotidiens. Vous devez aussi affrontez vos émotions. Vous devez les gérer au mieux.

Kobi Oren: « Une lutte avec soi-même »

Kobi Oren au terme d'un ultra-marathon en France. Crédit photo: Kobi Oren

Kobi Oren au terme d’un ultra-marathon en France. Crédit photo: Kobi Oren

Israpresse: A quoi pensez-vous lors d’une course? 

Kobi Oren: Bonne question. Je dois dire que parfois je ne pense à rien. Mais il m’arrive de penser à mes proches ou à des choses qui me sont arrivés dans la vie. Je pense aussi aux besoins naturels propres à chaque être humain: manger, boire, dormir. Les difficultés passées remontent à la surface aussi. La famille entre également en ligne de compte. Je pense à ma femme et à mes enfants.

Israpresse: Et toutes ces pensées vous aident à poursuivre votre chemin ou au contraire compliquent votre tâche? 

Kobi Oren: Parfois cela m’aide. Je me souviens alors d’expériences vécues qui m’ont permis de surmonter mes peurs, mes craintes. Des expériences où j’ai acquis plus de confiance. Parfois, au contraire, je suis confronté à des difficultés issues aussi de mon parcours personnel. C’est une lutte avec soi-même en réalité. J’évite de penser aux mauvaises choses de peur d’être affaibli.

Israpresse: Votre métier de psychologue a-t-il une influence sur votre préparation physique et vos courses? Vous vous occupez de vos patients comme vous vous occupez de vous-mêmes? 

Kobi Oren: (Rires) Mon métier m’oblige à m’interroger de savoir pourquoi je fais cela? A chaque fois, que je sors courir ou que je participe à une compétition, de nombreuses difficultés se posent. L’éloignement avec la famille, ma femme, les enfants et les amis. Donc je dois lutter contre toutes ces difficultés et me questionner. Pourquoi je fais cela? Qu’est-ce-que j’ai à gagner ou à perdre? Il est clair que mon métier m’aide à affronter ces difficultés. Je sais m’encourager et me donner de l’énergie pour courir.

Israpresse: Quelle est donc votre motivation? Que souhaitez-vous prouver à vous-même et même à toute l’humanité lorsque vous vous lancez dans de telles courses et de telles distances? 

Kobi Oren: J’éprouve un certain plaisir à courir. Je découvre de nouvelles choses sur moi-même. D’un point de vue national, obtenir des succès en tant qu’Israélien est très significatif pour moi. Je raconte à mes enfants que lors de mes voyages et de mes rencontres avec la population locale, tous ces gens ne savent même pas ce qu’est un Israélien. Certaines personnes pensent aussi que les Israéliens sont des gens mauvais et font le lien avec la guerre. En discutant avec moi, ils s’aperçoivent qu’un Israélien peut aussi faire du sport ou autre chose que la guerre.

Israpresse: Qu’avez-vous appris sur vous-mêmes? 

Kobi Oren: Que tout m’est de plus en plus difficile. Parfois, j’ai envie d’arrêter. Mais je surmonte cette envie. Il faut savoir qu’au terme de chaque course, je me sens vidé voire détruit physiquement. Malgré ces difficultés, j’en ressors renforcé.

Propos recueillis par Jonathan SERERO