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30 octobre 2017 | י חשון התשעח
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50e anniversaire de la mort d’Eli Cohen, un héros d’Israël

Eli Cohen reste à jamais associé à la victoire d’Israël dans la Guerre des Six Jours en 1967. Espion envoyé en Syrie, il atteint les plus hauts sommets des sphères du pouvoir, avant d’être découvert puis pendu le 18 mai 1965, en place publique, à Damas.

Le 18 mai, malgré l’heure matinale, les badauds sont nombreux pour assister à l’exécution de l’agent à la solde d’Israël.  L’homme qui a réussi à se hisser dans les plus hautes sphères baasiste, alors au pouvoir en Syrie, refuse la cagoule qu’on lui tend. Un rabbin damascène récite le kaddish. Le bourreau retire l’appui sur lequel repose le supplicié. Le corps bascule. Deux minutes plus tard, le bourreau constate la mort. Eli Cohen n’est plus mais entre dans la légende d’Israël, dans celle de l’espionnage et des services secrets.

elicohenDEFEli Cohen nait en 1924 à Alexandrie en Egypte, d’une famille originaire de Syrie. La fratrie composée de sept enfants fréquente assidûment la synagogue d’Alep à Alexandrie. Pieux et pratiquant, Eli songera même un temps à devenir rabbin. Les Cohen parlent l’arabe, le français et le ladino. Prodigieusement doué pour les langues, Eli apprendra plus tard l’anglais, l’italien, l’espagnol et l’allemand.

L’Alexandrie d’Eli Cohen est une ville cosmopolite où se côtoient toutes les religions et nationalités. L’extermination des Juifs d’Europe pendant la guerre marque profondément Eli Cohen, qui devient un fervent sioniste. Avec la première guerre israélo-arabe et l’arrivée au pouvoir de Nasser, la situation précaire des Juifs, devient vite intenable. Les services secrets israéliens forment un réseau local, chargé d’organiser clandestinement l’alya des Juifs égyptiens. La famille Cohen rejoint Israël en 1954, Eli, reste sur place et s’investit dans des opérations clandestines.

Eli et Nadia Cohen, le jour de leur mariage

Eli et Nadia Cohen, le jour de leur mariage

Arrivé en Israël en 1957, il est recruté par le ministère de la Défense comme traducteur et analyste. Sa candidature rejetée par le Mossad, Eli reprend le chemin de la vie civile et intègre un cabinet d’assurance à Tel-Aviv. Il se marie en 1959 avec Nadia Majald, originaire d’Irak. Ils auront trois enfants. Les services secrets israéliens préparant une nouvelle mission, les chefs recruteurs reprennent les dossiers refusés. Celui d’Eli Cohen - son faciès oriental, ses réflexes rapides, sa parfaite connaissance de l’arabe, sa mémoire photographique hors-norme - s’impose.

Il rejoint la branche des Renseignements du Mossad en 1960. Pendant plusieurs mois, la recrue suit une formation intensive. Il fréquente les mosquées d’Israël, s’initie à la pratique de l’islam, travaille son accent syrien, très différent de l’égyptien et surtout apprend le maniement du petit émetteur qui lui permettra d’envoyer des messages codés à Israël. Son chef instructeur s’appelle Yitzhak Shamir qui sera, des années plus tard, Premier ministre. Pour parfaire « sa légende », nom donné à la fausse identité des espions, en 1961, le Mossad envoie Eli en Argentine où vit une importante communauté arabe. Un demi-million de personnes y est implanté depuis les années 1880. Eli Cohen devient Kamal Amin Taabat, marchand d’origine syrienne. En Amérique du Sud, l’agent se rapproche des cercles arabes de Buenos Aires et se constitue un réseau, qui sera son tremplin pour la Syrie, avec recommandations et un carnet d’adresses des plus prestigieux.

Kamal Amin Taabat en Syrie

ELIECOHEN2Très vite après son arrivée en Syrie, Kamal Amin Taabat, infiltré dans les milieux baasistes devient vite un personnage incontournable des cercles d’influence et du pouvoir. Il parvient à se lier au futur président Hafez el Assad et lorsque celui-ci devient ministre, l’agent Taabat est pressenti un temps pour intégrer le ministère de la Défense. Son sens du contact, sa capacité à trouver la faille en chacun de ses interlocuteurs lui ouvrent la voie royale. Il parvient même à visiter les forces armées syriennes basées au Golan et transmet des informations stratégiques capitales, issues de ses observations et des confidences qu’il reçoit. Il informe ainsi Israël des positions des bunkers et des bases de tirs syriens.

Les quatre années de son immersion syrienne attestent de ses capacités hors-normes. Loin des siens, dans la dissimulation la plus radicale, au cœur d’enjeux immenses, la solitude et la tension deviennent intenables. en 1964, c’est un Eli Cohen épuisé d’endosser l’identité de Kamal Amin Taabat qui arrive en Israël pour assister à la naissance de son 3e enfant. De retour à Damas, il multiplie les messages au mépris du danger et les imprudences. En janvier 1965, aidés par les services secrets soviétiques, les Syriens localisent son émetteur et l’arrêtent dans son appartement au coeur de Damas. L’arrestation de Kamal Amin Taabat fait vaciller le pouvoir syrien. Dans la foulée, le pouvoir syrien en pleine paranoïa arrête une centaine de personnes. A l’atmosphère délétère qui règne en Syrie, s’ajoute la mobilisation internationale pour sauver l’espion Cohen. Le gouvernement israélien fait appel à des avocats français qui tenteront en vain de négocier avec le pouvoir syrien et de rencontrer leur client.

Après des mois d’emprisonnement, de tortures et d’isolement, Eli Cohen est condamné à mort par

Plaque commémorative à la mémoire d'Eli Cohen

Plaque commémorative à la mémoire d’Eli Cohen

pendaison à l’issue d’un procès expéditif. Sans y parvenir, le Pape Paul VI demande  à la Syrie la clémence. Nadia Cohen, sa veuve, émettra de sérieuses réserves sur la façon dont les services secrets israéliens ont géré l’épuisement de son époux. Israël tentera à plusieurs reprises de récupérer la dépouille de celui que l’on considère comme l’une des plus grandes figures de l’espionnage. En 2000, le Premier ministre Ehud Barak reformule une demande officielle à l’attention de Damas afin de rapatrier sa dépouille mais lui oppose une fin de non-recevoir.

Sandra Allouche